La déclaration de la Grande Mosquée de Paris sur l’Islam en France

Une pierre dans le jardin des nostalgiques  du colonialisme et du racisme !

Une fois n’est pas coutume, il convient de saluer la prise de position de Dalil Boubakeur, recteur de la  Grande Mosquée de Paris, qui a rendu publiques deux déclarations sur l’Islam en France et sur la place des femmes dans l’Islam.

Tout d’abord, la Mosquée de Paris rompt les amarres avec l’offensive des gouvernements précédents, quelles que soient leurs couleurs politiques de droite comme de gauche : elle se revendique de l’Islam EN France et non de l’Islam DE France.  S’appuyant sur toute la tradition du mouvement national algérien, elle réclame la stricte application de la loi de Séparation des Eglises et de l’Etat du 9 décembre 1905.

L’Islam DE France, c’est le concordat agrémenté du statut colonial de l’Indigénat. La religion n’a pas à être tricolore et gouvernementale. L’Islam EN France, c’est l’application de la laïcité qui sépare le religieux du civil.

La Mosquée de Paris « condamne la tendance actuelle à vouloir désigner des autorités de tutelle, n’étant pas de confession musulmane, aux fins d’encadrer avec paternalisme l’expression du fait religieux musulman dans la société française : ceci, au mépris de la liberté religieuse et de la séparation des Eglises et de l’État. » On ne saurait mieux dire.

« 14. La France n’est pas une terre d’Islam : elle est une terre où coexistent plusieurs religions dont l’Islam, ainsi que des habitants qui sont athées ou agnostiques. Dans ce contexte, tout musulman doit évidemment respecter les valeurs et les lois de la République française. Par exemple, puisque le blasphème et la caricature religieuse sont autorisés par la loi française, l’on peut s’en déclarer blessé ou offensé, mais il ne faut ni exiger leur interdiction ni réagir par la violence. Plus largement, bien évidemment, nul musulman n’a le droit d’exiger que la France modifie ses valeurs et ses lois pour convenir à sa propre foi, tout comme nul chrétien, nul juif, nul athée, nul agnostique, n’en a le droit.

15. Au sens de la loi de 1905, la laïcité est un principe de neutralité de l’État, de l’administration, des services publics, et des fonctionnaires, en ce qui concerne les religions et la spiritualité. En d’autres termes, la République française ne finance aucun culte, n’accepte aucune demande formulée au nom d’un culte, ne favorise aucun culte, ne pratique pas d’ingérence dans la vie d’un culte, et se contente de donner aux communautés religieuses les mêmes droits et les mêmes devoirs qu’à toute association d’habitants du pays, qu’elle soit cultuelle ou pas.  [A ceci près que la République ne reconnaît que les citoyens et non les communautés – Note de la Libre Pensée]. Sa définition ainsi rappelée, l’existence du fait religieux musulman dans la société française est compatible avec la laïcité.

16.La laïcité n’est pas un principe d’intolérance envers la manifestation du fait religieux dans l’espace public. Celles et ceux qui veulent la redéfinir ainsi se fourvoient et méconnaissent gravement la loi de 1905. » Là aussi, c’est parfaitement juste en regard d’une conception de liberté de la laïcité.

la grande mosquée de Paris

A propos du créationnisme,  de la femme et du planning familial

Cette déclaration aborde aussi d’autres problèmes : « 10.    Allah a créé l’Humanité. Il n’y a nulle contradiction entre la création de l’Humanité selon le saint Coran, qui révèle métaphoriquement qu’Adam a été façonné à partir de la terre, et les théories scientifiques actuelles les plus avancées, selon lesquelles l’Humanité a été façonnée au fil de l’évolution successive d’espèces terrestres.

11. Allah a créé l’humanité en la voulant fraternelle. Tout musulman doit donc militer en toutes circonstances pour la paix et contre la guerre, pour la fraternité et contre le racisme, pour les paroles de concorde et contre les paroles de haine. » On aurait « souhaité » une telle déclaration contre le créationnisme de la part du Vatican. Et c’est totalement contraire à la déclaration de Benoit XVI à Ratisbonne sur les rapports entre religions.

La question de la place de la femme et de la contraception est aussi abordée : «3. Il est rappelé que dans l’Islam, toute femme adulte est souveraine sur l’héritage qu’elle reçoit, sur les revenus de son travail, et sur les revenus de son épargne. Nul ne peut décider à sa place de ce qu’elle en fait, pas même le cas échéant son époux.

7. Il est rappelé que rien dans l’Islam n’interdit l’utilisation de contraceptifs. De même, rien dans l’Islam n’interdit l’interruption volontaire de grossesse ; en particulier lorsque la vie de la femme enceinte est en danger. Il est toutefois préférable d’éviter d’en arriver à l’interruption de grossesse. C’est ce que permet d’ailleurs l’utilisation de contraceptifs. » On est décidément bien loin d’Humanae vitae de Paul VI et de la prière israélite sur le remerciement de n’être point une femme.

Qui est intrinsèquement pervers et contraire à la laïcité et à la démocratie ?

Les temps vont être très durs pour tous les xénophobes, de droite comme de gauche, qui ratiocinent à qui mieux mieux sur l’incompatibilité entre l’Islam et la modernité, contrairement aux autres religions monothéistes. Ce qui permet aux différents impérialismes de bombarder les peuples et les pays réputés à dominante musulmane.

La pierre lancée par la Grande Mosquée de Paris va ramener le catholicisme à l’époque du Moyen-âge. Il faut dire qu’il ne l’a jamais vraiment quitté. Les partisans des valeurs de l’Occident chrétien vont prendre un sacré coup de vieux. C’est ce qui explique sans doute le relatif silence médiatique sur ces déclarations de la Grande Mosquée de Paris.  Cela ne va pas dans le sens de la pensée unique distillée tous les jours par les thuriféraires de l’Occident chrétien.

Qui s’en plaindrait pour la laïcité et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ?

Paris, le 8 juin 2017

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