La Raison n°639 Mars 2019

L’éditorial du président

A Chauny nous irons, ce sera Germinal !

Le premier mars, c’est le 11 du mois de ventôse. Allons-y encore d’un proverbe météorologique accommodé au style du calendrier républicain : « La vigne me dit : En ventôse me lie, en ventôse me taille, en ventôse, il faut qu’on me travaille ». C’est la fin du repos végétatif hivernal, et la période où l’on procède à l’épamprage des ceps, c’est-à-dire la taille des jeunes rameaux appelés à donner des “gourmands”, nuisibles à l’abondance de la floraison et de la récolte.

Un grand événement se prépare pour le 6 avril, c’est-à-dire le 17 germinal prochain : nous irons inaugurer le monument élevé à Chauny, dans l’Aisne, à la mémoire et à la gloire des 639 soldats et officiers Fusillés pour l’exemple par un Etat-major sanguinaire. Beaucoup d’entre eux avaient refusé de mourir pour rien, d’autres ont été condamnés sur la seule foi d’une blessure dite ″suspecte″ par une médecine de guerre qui s’était transformée en accusatrice. Ce numéro de la Raison donne un exemple tiré du département d’Ille-et-Vilaine, mais l’analyse des Conseils de guerre montrera à quel point cette pratique fut généralisée, notamment en 1914.

Nous honorerons leur mémoire, exigeant encore et toujours leur réhabilitation n’en déplaise à la série de Présidents de la République qui en ont décidé autrement. Cela fait vingt ans que la Libre Pensée combat pour cela, avec un ensemble d’organisations toujours croissant. Chauny, c’est sur la ligne de front, tous nos lecteurs de la Raison y sont invités. Il y aura une inauguration officielle par la mairie de la ville qui a accueilli le monument, qu’elle en soit remerciée, et, l’après-midi, un hommage des organisations pacifistes et antimilitaristes. Et on chantera la Chanson de Craonne. C’est évident et nécessaire.

Vous verrez également, en pages 23 et 24 le compte rendu de la réunion au ministère de l’Intérieur à laquelle a participé la Libre Pensée. Quel que soit l’intérêt de cette séance, notons que ce n’est pas ce que nous réclamons : la réception par le Président de la République à l’Elysée. Rappelons que c’est la première fois dans l’histoire de la Ve République que la Libre Pensée n’est pas reçue par le Président en exercice ou par son représentant. Cela laisse en place toutes les inquiétudes concernant un projet de révision de la loi de 1905, que Monsieur Emmanuel Macron laisse entrevoir dans sa « Lettre aux Français ». Le ministre, néanmoins, s’est plu à affirmer qu’il n’y aurait pas de ″labellisation des cultes″. Nous en avons pris acte, avec toute la prudence qui convient. Il y a d’autres manières de circonvenir la loi et de la vider d’une partie de son contenu. Les 90 délégations aux préfectures que nous avons suscitées dans le pays, sont un élément de poids dans cette ambiance de remise en cause de la laïcité. Il faudra sans doute aller vers une initiative nationale d’envergure.

Vous verrez également que, parmi les associations invitées, il y a eu des voix parfaitement concordantes avec la Libre Pensée, d’autres nettement discordantes. Est-ce la raison d’un « appel des 113 » qui reprend quasi mot pour mot la déclaration de 30 associations laïques adoptée le 22 novembre 2018 au siège de la Ligue de l’Enseignement ? Sur quelles bases prétend-il se démarquer ? Sur une seule : la liste des signataires. Comment qualifier ce fait, sinon comme une volonté délibérée de diviser le camp laïque ? Bien au contraire, l’heure est à la réunion de toutes les forces pour protéger la loi de 1905, gage de liberté de conscience et de paix civile.

Ces quelques notes n’épuisent pas le contenu de ce numéro. La rubrique « Ainsi va le monde » est toujours riche de nouvelles nationales et internationales. Nous revenons aussi sur les crimes des Eglises sur lesquels et le Vatican et la Congrégation de Notre-Dame-du-Bon-secours se taisent obstinément quant aux questions précises qui leurs sont posées par la Libre Pensée française et l’AILP. Dans le drame épouvantable du couvent de Tuam et en dépit des travaux remarquables de l’historienne irlandaise Catherine Corless, l’ouverture des archives de la Congrégation n’est toujours pas à l’ordre du jour. N’y aurait-il que l’armée qui doive être qualifiée de ″grande muette″? Il semble que l’Eglise catholique, apostolique et romaine réponde pleinement aussi à cette définition.

Jean-Sébastien Pierre,
Président de la Libre Pensée

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