La Libre Pensée a enregistré avec un grand intérêt la proposition de loi sénatoriale, déposée le 6 novembre 2020 par un groupe de sénateurs et visant à étendre au département de la Guyane la loi du 9 décembre 1905 de Séparation des Églises et de l’État.
Cette proposition rédigée en des termes simples et clairs nous paraît fondée.
L’article 1 proclame l’extension, l’article 2, l’organise. L’article 3 fixe les règles de son application. C’est tout et c’est bien.
Si ce texte devait être inscrit à l’ordre du jour et voté, ce serait un succès au terme d’une longue bataille menée par les Guyanais contre un vestige colonial.
En effet, ce serait la fin, prévue par l’article 2 d’une situation inique qui, au 19° siècle, a d’abord vu l’Empire rétablir l’esclavage dans cette colonie (1803), puis le roi Charles X, alors à la tête de la réaction contre-révolutionnaire, prendre son ordonnance du 27 août 1828 qui impose à tous un clergé catholique dont l’entretien est à la charge des finances locales.
Cette situation hallucinante existe toujours ! En 2015 le Conseil général de Guyane, sous la présidence de M. Alain Tien-Liong avait engagé un bras de fer avec le ministère de l’Intérieur dirigé par M. Cazeneuve en exigeant qu’il y soit mis fin. En septembre de cette même année, l’Association Internationale de la Libre Pensée réunie en congrès à Montevideo (Uruguay) lui avait apporté son soutien. En vain, mais la situation avait été dénoncée dans toute l’Amérique latine.
Deux ans plus tard, en 2017, après la mise en place de la collectivité territoriale unique de Guyane, son Président M.Rodolphe Alexandre et son adversaire et concurrent à ces élections, M. Alain Tien-Liong décidaient publiquement de faire cause commune sur cette exigence.
Au moment où les menaces perdurent contre la loi du 9 décembre 1905, que d’aucuns, au pouvoir, rêvent d’étouffer sous les gerbes de fleurs d’un anniversaire frelaté, cette proposition est la bienvenue pour tous les partisans d’une extension de ce beau texte dans tous les départements et territoires français. Y compris donc dans les départements de l’Est de la France encore soumis au Concordat imposé par Bonaparte.
Paris, le 30 novembre 2020
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N° 113
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2020-2021
Enregistré à la Présidence du Sénat le 6 novembre 2020
PROPOSITION DE LOI
portant extension de la loi du 9 décembre 1905 à la collectivité territoriale unique de Guyane,
PRESENTEE
Par Mme Éliane ASSASSI, M. Pierre OUZOULIAS, Mme Cathy APOURCEAU-POLY, MM. Jérémy BACCHI, Éric BOCQUET, Mmes Céline BRULIN, Laurence COHEN, Cécile CUKIERMAN, M. Fabien GAY, Mme Michelle GRÉAUME, MM. Gérard LAHELLEC, Pierre LAURENT, Mme Marie-Noëlle LIE-NEMANN, M. Pascal SAVOLDELLI et Mme Marie-Claude VARAILLAS,
Sénatrices et Sénateurs
(Envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
Proposition de loi portant extension de la loi du 9 décembre 1905 à la collectivité territoriale unique de Guyane
Article 1er
L’application de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État est étendue à la collectivité territoriale de Guyane.
Article 2
Sont abrogées toutes les dispositions relatives à l’organisation publique des cultes antérieure-ment reconnues par l’État pour la collectivité territoriale de Guyane, ainsi que toutes dispositions contraires à la présente loi dont :
- 1° L’ordonnance royale du 27 août 1828 concernant le Gouvernement de la Guyane française ;
- 2° Le décret-loi du 16 janvier 1939 instituant outre-mer des conseils d’administration des mis-sions religieuses.
Article 3
Les modalités d’application de l’article 2 sont déterminées par un décret pris en Conseil d’État et publié dans l’année suivant l’entrée en vigueur de la présente loi.