Après les récents revers enregistrés aux Sables d’Olonne et à La Flotte-en-Ré, la croisade pour couvrir le territoire de la République d’emblèmes religieux chrétiens vient d’enregistrer une nouvelle et cuisante défaite : par un arrêt du 11 mars 20221, le Conseil d’État a rejeté au fond le pourvoi en cassation, assorti d’une demande de sursis à exécution, introduit par la commune de Saint-Pierre d’Alvey (Savoie) contre la décision du 21 avril 2021 par laquelle la Cour administrative de Lyon2 avait jugé illégale l’installation, en 2014, sur le terrain communal du Mont-Chatel, d’une statue de la Vierge près d’une croix romaine datant du XVIIIe siècle vers laquelle se rend chaque année une procession au moment de la Pentecôte.
En premier lieu, de manière assez classique, le Conseil d’État a confirmé que la parcelle du Mont-Chatel n’entre pas dans le champ des dérogations au principe d’interdiction d’installer des signes ou emblèmes religieux sur des emplacements publics posé par l’article 28 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la Séparation des Églises et de l’État dès lors que cette emprise foncière ne constitue pas « par elle-même un édifice servant au culte » « ni un terrain de sépulture, ni un monument funéraire, ni un lieu d’exposition. »
En deuxième lieu, l’arrêt du 11 mars 2022 présente un réel intérêt sur deux points
D’une part, au regard des articles 12 de la loi du 9 décembre 1905 et 5 de celle du 2 janvier 1907, le Conseil d’Etat a considéré, par un raisonnement prenant appui sur celui de la commune de Saint-Pierre d’Alvey, que la notion de dépendance de l’édifice du culte, point nodal du contentieux, n’a pas d’incidence sur la légalité de l’installation d’un emblème religieux sur un emplacement public : « […] la notion d’« édifice servant au culte », au sens et pour l’application de l’article 28 de la loi du 9 décembre 1905 relatif à l’interdiction d’élever ou d’apposer un signe ou emblème religieux, [est] distincte de celle de dépendance d’un édifice du culte laissé à la disposition des fidèles et des ministres du culte au sens et pour l’application des articles 12 et 13 de la loi du 9 décembre 1905 et 5 de la loi du 2 janvier 1907 ». Elle constitue par suite « un moyen inopérant » En clair, à supposer même que la croix du Mont-Chatel puisse être regardée comme une dépendance de l’église de Saint-Pierre d’Alvey, pour autant seule cette dernière constitue, au sens de l’article 28, un « édifice servant au culte » sur lequel peuvent être apposés par dérogation des signes religieux. Par cette motivation, le Conseil d’Etat ruine par avance toute velléité d’élargir cette dernière notion.
D’autre part, le Conseil d’Etat confirme l’interprétation de la Libre Pensée : les « emplacements publics » sur lesquels l’article 28 de la loi du 9 décembre 1905 interdit d’installer des emblèmes religieux ne se limitent pas aux seules emprises du domaine public. La haute juridiction administrative l’a clairement jugé en l’espèce : « […] il ne résulte ni des dispositions précitées de l’article 28 de la loi du 9 décembre 1905 ni d’aucune autre disposition législative que l’interdiction « à l’avenir, d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux […] en quelque emplacement public que ce soit » serait limitée aux seules dépendances du domaine public, sans devoir aussi trouver application au domaine privé des personnes publiques. » Cette motivation ruine par avance un des moyens que semblent vouloir soulever en appel certaines des collectivités ayant récemment essuyé une défaite dans la croisade pour couvrir le pays de symboles catholiques.
Cela risque de se gâter pour la statue de Saint-Michel aux Sables d’Olonne, de la Vierge de la Flotte en Ré, de la Vierge à Gogolin, des Croix pâtées dans le Val d’Oise, etc.. Le « moyen juridique» souvent utilisé par les adorateurs de statues est que celles-ci seraient une dépendance du culte, conférant à leur emplacement le même caractère que les églises. Il va falloir bâcher tous les totems religieux et les rentrer avant la fin de l’hiver.
Constatons que les mêmes qui ne cessent de vouloir l’application des Lois françaises contre les présupposés musulmans ne veulent pas de l’application d’une loi de la République française quand il s‘agit de la religion catholique ; qu’est ce qui le gène ? Vous avez dit bizarre ?
La Libre Pensée invite les citoyens attachés au respect de la loi de 1905 à nous contacter en cas de violation de l’espace public par l’érection de signes qu’ils constateraient, de même que pour toute autre atteinte à la laïcité institutionnelle.
Rien que la Séparation, mais toute la Séparation !
Stop à la Reconquête de l’Espace public par les Cultes !
Saint-Pierre d’Alvey, le 16 mars 2022
1 CE, 11 mars 2022, Commune de Saint-Pierre d’Alvey, Nos 454076 et 456932.
2 CAA de Lyon, 29 avril 2021, M. VB et alii, n° 19LY04186.