Voici ce qu’aurait voulait dire La Libre Pensée au rassemblement en hommage aux victimes des tueries gouvernementales du 17 octobre 1961
Ouverture intégrale des Archives de l’État !
Ici, à hauteur du Pont Saint-Michel, là au Pont de Neuilly, ailleurs comme au canal de l’Ourcq, la police nationale, créature de Pétain, aux ordres du préfet Papon, lui-même aux ordres de de Gaulle, a noyé des centaines de travailleuses et travailleurs algériens, le 17 octobre 1961. Non loin d’ici, dans la cour même de la Préfecture, un guet-apens permettait aux policiers déchaînés de tuer plusieurs dizaines de ces manifestants pacifiques. Un peu plus loin, boulevard Bonne-Nouvelle, la police tirait sur les manifestants, profitait de l’absence d’un abri qu’un célèbre journal aurait pu leur procurer dans ses locaux, embarquait les survivants dans des autobus réquisitionnés et les abattait au bord de la Seine, où leurs cadavres étaient jetés. D’autres encore furent torturés et assassinés dans des sous-sols et retrouvés le lendemain, pendus aux branches du Bois de Boulogne. La liste de ces crimes d’état est immense, la reconstituer fut la tâche irremplaçable de Jean-Luc Einaudi, dont il faut ici saluer la mémoire. En son temps, Didier Daeninckx apporta sa contribution à l’établissement de la vérité par son roman « Meurtres pour mémoire », que j’ai eu l’honneur d’adapter à la radio en feuilleton, en 2003.
Ce fut un crime colonial, dans la droite ligne de ceux que la bourgeoisie française a commencés en Algérie avec le sinistre Bugeaud, continué sous les différents avatars du bonapartisme et sous le masque d’une démocratie à usage élastique et restreint. Les officiers de l’armée et la police ont acquis dans ce domaine une véritable expertise, qui sera reconnue par l’exportation des méthodes de torture et d’élimination des opposants en Amérique Latine, en particulier au Chili et en Argentine, sous la houlette de Roger Frey.
Longtemps le silence et la censure ont été les armes de la bourgeoisie française et de ses alliés pour empêcher la vérité d’éclater et la justice de passer. Certaines organisations ne s’alignèrent pas sur ce consensus, telle la Fédération Unie des Auberges de Jeunesse, qui salua le dixième anniversaire des Algériens massacrés le 17 octobre par un article, point de départ de ma révolte à ce sujet. Mais aujourd’hui, dans la situation de décomposition de la société capitaliste, il ne s’agit plus de silence, ce silence qu’on peut rompre, après tout, mais de maquillage, de mensonge. L’école des faussaires de Staline et de Jdanov a quitté les régions et les zones où elle s’était circonscrite et c’est toute la bourgeoisie à présent qui adopte ses méthodes de mensonge, de travestissement, de calomnie.
Ainsi, on vit l’an dernier le préfet Lallemant, personnage honni pour la répression sanglante des Gilets Jaunes et les emprisonnements arbitraires, jeter une couronne de fleurs dans la Seine, à l’endroit où notre manifestation était interdite ! Ils maquillent, ils mettent en scène leur propre forfaiture ! Et ils terrorisent, comme ils le font contre les lycéens et les enseignants du lycée Joliot-Curie de Nanterre. C’est à ce prix et au prix de la peur répandue par leurs journalistes aux ordres, qu’il s’agisse de la santé publique, entre 2019 et 2021 ou de la guerre où ils tentent de nous entraîner, c’est à ce prix qu’ils conservent leur pouvoir.
Les Algériens de Paris manifestaient contre l’instauration par décret d’un couvre-feu à la seule intention des populations dites musulmanes. Décret raciste et colonialiste, dont l’esprit ressurgit aujourd’hui avec toute son obscénité dans la « loi Séparatisme », qui stigmatise la population de tradition ou de religion musulmane. Population qui, en revanche, peut compter sur la solidarité de la Fédération Nationale de la Libre Pensée.
Plus que jamais, la vérité doit éclater au grand jour et les auteurs de ce massacre colonial, de tous les massacres coloniaux doivent être jugés, qu’ils soient vivants ou morts. Les archives de l’État doivent être intégralement ouvertes afin que les historiens et les avocats du peuple puissent faire leur travail !
Vérité et Justice !
Michel Sidoroff, Président de la Libre Pensée de Paris.
Le 17 octobre 2022, Paris, Pont Saint-Michel.