A propos de “l’affaire” du Collège de Saint-Georges-sur-Baulche (Yonne)
Un climat exécrable s’établit en France. Quasiment pas un jour sans violences à proximité et au sein même des établissements scolaires. Ces violences qui, en dernière analyse, résultent directement de la désagrégation du tissu social et des services publics, sont systématiquement instrumentalisées au premier chef par les macronistes pavant la voie aux médias Bolloré, CNews en proue, pour essayer de créer un sentiment d’insécurité en incriminant sans cesse le « grand remplacement » cher aux Le Pen et Zemmour. C’est bien d’une campagne raciste toujours relancée qu’il s’agit pour montrer du doigt et pour discriminer la population et en particulier la jeunesse d’origine immigrée du Maghreb. Haro sur les « musulmans » qui envahissent le pays et pénètrent toujours davantage les établissements scolaires… Les monstrueux assassinats – odieusement instrumentalisés – des enseignants Samuel Paty et Dominique Bernard par des fondamentalistes islamistes dégénérés seraient les signes annonciateurs d’un déferlement visant à détruire la démocratie et la laïcité…
C’est dans un tel contexte où se manifestent d’inquiétants remugles racistes et xénophobes que s’est produit samedi 22 mars « l’affaire du collège de Saint-Georges-sur-Baulche » (à côté d’Auxerre).
Quels sont les faits ? (d’après les articles de l’Yonne Républicaine et les témoignages recueillis)
Samedi 22 mars, journée porte ouverte au collège Jean-Bertin de Saint-Georges-sur-Baulche.
Trois femmes, parentes d’élèves et membres de l’association « L’Olivier », viennent, autour d’une vente de gâteaux, présenter aux familles cette association qui accompagne notamment une dizaine de jeunes aux devoirs, dans quatre établissements scolaires d’Auxerre.
La venue de l’association était annoncée, son inscription était validée. L’accueil est assuré par la professeure d’anglais. L’association est régulièrement présente sur ce genre d’événement sans qu’il n’y ait jamais eu la moindre polémique. Tout se passe bien jusqu’à l’intervention du Principal de l’établissement, qui demande aux trois femmes de quitter leur voile. L’une est salariée de l’établissement (Elle est “AESH” et accompagne dans sa scolarité un élève en situation de handicap) ; il est légitime de lui demander de retirer son voile, ce qu’elle fait immédiatement. Les deux autres, qui sont présentes comme parentes d’élèves sans exercer au sein de l’établissement une mission pédagogique, refusent ; le chef d’établissement exige de façon jugée brutale, qu’elles sortent du collège.
L’Inspection académique de l’Yonne est rapidement informée de l’évènement. Le Directeur Académique des Services de l’Education Nationale (DASEN) fait la déclaration suivante :
“Le Principal, […], a eu raison de demander à son employée de quitter son voile au motif qu’il ne faut pas qu’il y ait de collusion entre la fonction d’agent de l’Etat et l’appartenance religieuse de cette dame. Il n’y doit pas y avoir de confusion possible, ni aucune place à l’ambiguïté. Pour le reste, pour ce qui concerne les deux autres femmes, c’est une erreur. Il devra leur présenter ses excuses, à elles et à leur association.”
En effet, l’article L 141-5-1 du Code de l’Education, s’il interdit aux élèves le port de signes religieux et exige pour les personnels un devoir de neutralité, précise que les personnes extérieures n’y sont pas contraintes.
«L’affaire », dans le respect la législation, aurait pu en rester là.
Mais le Recteur de l’Académie, Pierre N’Gahane, condamne le propos du DASEN et déclare :
“Le chef d’établissement a appliqué le principe de laïcité en prenant en considération les circonstances de l’espèce. Je le soutiens dans sa décision, car, quand la situation emporte une complexité réglementaire, c’est toujours la décision qui préserve le plus la laïcité qui doit être privilégiée.’’
Cette dernière phrase mérite publicité : elle est d’abord un aveu sur les responsabilités des gouvernements successifs qui, depuis la loi Jospin et l’affaire de Creil en 1989, n’ont cessé de créer une « complexité réglementaire » permettant interprétations diverses (complexité rendant la tâche des personnels de l’Education nationale et notamment des Chefs d’établissement de plus en plus difficile) – ce qui peut entrainer des actes arbitraires et des dérapages. D’autre part, en quoi une décision contraire à l’art. L 141- 5-1 – article respectant les principes fondamentaux de la laïcité – préserverait la laïcité ?…
Un allié pour le Recteur : J. Odoul dirigeant du RN.
Ces propos du Recteur ne peuvent que favoriser le déchainement des racistes dénaturant la laïcité réduite à la répression contre les musulmans. Ainsi, le député RN de l’Yonne, Julien Odoul, en s’appuyant sur la déclaration du Recteur, s’est de suite posé en preux chevalier de la défense de la laïcité… Dans un communiqué du 6 avril, il déclare :
« Au moment où le proviseur du lycée Maurice Ravel à Paris est menacé de mort et a démissionné pour des “raisons de sécurité” après avoir demandé, lui aussi, à une élève de retirer son voile islamique, un autre chef d’établissement est confronté à l’entrisme islamiste et à la politique du “pas de vague” de sa hiérarchie. (….) En effet, au lieu de conforter l’autorité du principal, l’inspection académique, par la voix de son directeur, a sommé le chef d’établissement de présenter des excuses aux provocatrices voilées et à l’association. (…) Les “excuses” demandées par la hiérarchie sont inadmissibles et illustrent la reculade d’une République qui a renoncé à revendiquer ses valeurs.(…) »
Et il demande à « Mme la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse si elle compte sanctionner le directeur académique pour cette faute grave et si elle va apporter son soutien au principal du collège Jean Bertin, comme le recteur l’a fait naturellement. »
En piétinant l’article cité et en contrevenant à ce qui fonde la laïcité de l’Ecole et de l’Etat, l’exigence adressée aux deux parentes d’élèves de quitter l’établissement est un acte discriminatoire inadmissible qui ne peut que faire le jeu des ennemis de l’enseignement public laïque.
La Libre Pensée de l’Yonne, fondamentalement attachée à la laïcité institutionnelle de l’Ecole et de l’Etat et aux libertés publiques, condamne tout acte discriminatoire et affirme sa solidarité avec les personnels de l’enseignement public ainsi qu’avec l’association « l’Olivier ».
Le 10 avril 2024
Pour la Fédération de l’Yonne de la Libre Pensée.
Le président
Jean-Noël Guénard
Le secrétaire départemental
Jacques Guillaume